(Texte original transcrit tel quel)

            L’an mil huit cent quarante deux, le trois avril.

Nous, Adam, maire de la commune de Vitotel, canton du Neubourg, étant sur le point de quitter les fonctions de l’administration de la commune, mais auparavant après vingt années de service, nous allons tracer l’histoire du désastre de l’église par les habitants de Vitot qui enlevèrent vers l’an 1804, la cloche, les statues des saints, la chaire, les boiseries, les meubles meublants, enfin ils ne laissèrent rien dans cet édifice.

Les habitants de cette époque, peu courageux, remirent les clefs de l’église à ceux de Vitot, faute de la plus grosse importance puisque la loi du 18 germinal an dix qui subsiste toujours dans toute sa force s’explique en ces termes : on laissera provisoirement dans les églises réunies, telle était celle de Vitotel, la cloche, la chaire, les boiseries, tout ce qui est scellé à fer ou à clous ne devrait sortir que par un ordre particulier de la part de Monsieur le Préfet et cela en cas de dénuement absolu de l’église chef-lieu.

Les habitants étaient si faibles pour le soutient de leur église qu’on devrait leur remettre un mémoire détaillé des objets que l’on emportait, rien de plus juste, rien ne prouve sur ce registre qu’ils aient obtenu aucun titre de ce ravage.

L’église a donc resté depuis cette époque dans le dépérissement abandonnée servant d’étable aux bestiaux du père Duvallet et à entreposer dans la saison des feuilles d’arbres.

Etant dans un état de démembrement et le cimetière où divague de tous les bestiaux, la fabrique de Vitot qui en touchait les revenus sans faire aucun entretien ce qui est contradictoire à la loi puisque c’est la condition de jouissance.

Enfin Dieu permit de mettre un terme pour soutenir un édifice très solidement bâti et qui à défaut de réparations ne pouvait plus subsister plus d’un an ou deux, par le défaut de couverture, la flèche tombée et le corps carré où est la cloche, tout menaçait ruine et prêt à s’écrouler.

Lorsqu’en 1828, les habitants de Vitot qui avaient en tout les meubles ainsi que je l’ai dit, tentèrent en vain de la faire vendre. Monsieur le juge de paix vint prendre une enquête comodo ou incomodo de la vente de l’église de Vitotel.

Les habitants de Vitotel de ce temps, courageux, réclamèrent le comodo de leur église comme propice aux habitants. L’entreprise était grande, il fallait du courage, mais en eu aussi montré ainsi qu’on va le voir ci-après.

On savait bien que pour réparer une église ou tout de celles qui avaient été supprimées, le gouvernement n’accorderait pas de secours pour le rétablir, aussi il fallait trouver un moyen et ne pas perdre de temps, les affaires de part et d’autre poussaient vivement.

Le 31 mai 1829, le maire fait proposition aux habitants que la commune ne peut rétablir l’église que par un acte de souscription en prenant de l’argent chacun dans sa poche. Le maire propose cent francs, exhibe vingt pièces de cinq francs. Les habitants s’y joignent selon leur force et le maire fait acte où sont nommés tous ceux qui ont participé selon leurs moyens.

Le montant du dit acte s’élevant à la somme de six cent francs, on fait faire de suite le devis des travaux à exécuter par un homme de l’art et la dépense en économie s’élève à la somme de cinq cent cinquante six francs. Pour lors l’acte de sauvetage excède la dépense de quarante francs. J’ai dit que la dépense avait proposé en économie parce que chacun proposait d’y travailler selon sa faculté, les uns fournissent leurs chevaux et leurs voitures, les autres par leurs travaux journaliers et on envoi les pièces au préfet qui se concerte avec Monseigneur l’évêque et autorise le rétablissement de l’église de Vitotel à même les deniers provenant de l’acte de souscription. Cette autorisation porte date du 29 juin 1829 enjoignant au maire de faire faire les travaux par les dispositions préalables ordinaires et les réparations du cimetière.

Les habitants de Vitotel persévèrent dans leur entreprise difficile à remplir sont à force de travail parvenus au rétablissement de leur église et ont aussi réparé les murs du cimetière tant en construction de murs couverts et barrière fermante à clef de manière que l’église qui a été très solidement bâtie est en ce moment en très bon état et le cimetière aussi.

Après ce rétablissement on fait la demande de la cloche à la commune de Vitot, les habitants de Vitotel proposant de payer la moitié de la valeur, mais les chefs de la commune de Vitot n’agissant pas honnêtement dans cette circonstance, puisqu’elle ne leur avait coûté rien, que de plus ils devaient la laisser par loi du 28 germinal an X, ne voulurent faire aucune concession à ce sujet. On réclama plusieurs fois au département cette cloche pour s’en servir au besoin, dans les cas d’incendies, d’alarmes publiques et d’évènements majeurs ainsi que le prescrit la loi.

Enfin une pétition adressée à Monsieur Dupont de l’Eure, digne ministre de la justice renvoya cette pétition au ministre des cultes et écrivit en marge de la dite pétition recommandée à la bienveillance du ministre des cultes qui la renvoya à la commune de Vitot pour qu’ils déduisent les motifs pour lesquels ils ne souhaitait pas la rendre à la commune de Vitotel.

Par un beau matin le 29 janvier 1831, une vingtaine d’habitants de la commune de Vitotel vont à Vitot sur les six heures du matin, le sonneur sonnait l’angélus, ils montent au clocher en treize minutes, descendent la cloche, le sonneur était parti chercher du renfort, l’adjoint au maire est arrivé au moment où ceux de Vitotel la sortait de dedans l’église de Vitot, il était arrivé plusieurs personnes avec l’adjoint qui disait au nom de la loi, je te commande de laisser cet objet là, la lutte était difficultueuse et dangereuse par la résistance des habitants de Vitot, mais ceux de Vitotel furent victorieux en la mettant dans une voiture qu’ils avaient préparé à la barrière du cimetière de Vitot, cela n’allait pas tout seul, il fallait du courage, mais enfin on vint à bout de la rapporter à l’église et de la monter de suite au clocher reprendre sa place.

            Les habitants de Vitot firent dresser un procès verbal suite à cet enlèvement. Il y eut un procès à la requête de Monsieur le Procureur du Roi, on devait attendre l’autorisation et ne pas enlever de vive force car il pouvait en résulter des accidents très graves, mais enfin sans ce moyen on doute parvenir à s’approprier cet objet.

            Le procès eut lieu et les habitants de Vitotel furent condamnés à chacun cinq francs d’amende et aux frais du procès.

Suit les dispositifs du jugement :

Monsieur de Vitotel fera rétablir la cloche en la possession de Monsieur le maire de Vitot, sauf ensuite à la commune de Vitotel de s’abriter par les voges du droit la propriété de ladite cloche si elle s’y croit fondée.

           Le maire de Vitotel remplit de courage et ferme a soutenu sa commune, écrit une lettre à Monsieur le procureur du roi qu’il refuse d’obéir à un jugement qu’il lui est enjoint d’une pareille mission, qu’il n’a point participé à l’enlèvement de la cloche, qu’il est français et ne subira pas la honte et l’humiliation de la faire rétablir en la possession du maire de Vitot, qu’elle est dans le clocher, que la voûte et le trou par où elle a passé est scellé en plâtre et briques, que ce serait commettre dégradation au monument public de l’église, qu’il y a une correspondance de Monsieur le Préfet qui la défend car le maire qui allait à la préfecture jusqu’à deux fois la semaine, ses démarches ne furent pas sans effet auprès de Monsieur de Passy, ce magistrat si estimable, enfin on avait payé plus de deux cent francs de frais et en principe d’équité, de justice et raison, elle appartient par la loi du 18 germinal an X ainsi que je l’ai dit à la commune de Vitotel et que ce n’est que par une faiblesse qu’elle était partie.

Monsieur le préfet avait promis au maire de Vitotel que le montant des amendes reviendrait à la commune de Vitotel, cette promesse intègre fut exécutée et avec cet argent et celui de la vente d’un orme qui dépérissait, servi à meubler l’église de Vitotel. On acheta un autel qui avec les gradins a coûté deux cent trente cinq francs, on fit remonter les deux petits autels et autres boiseries et on dépensa plus que l’argent dont j’ai parlé. Au surplus nous ferons l’inventaire ci-après des meubles appartenant par leur nature à l’immeuble et meubles meublant, fournis tant par souscription volontaire que quêtés dans la commune par les habitants.

            L’inventaire dont il est parlé, n’a pas été transcrit parce que pour le moment il est question de la réunion de la commune de Vitotel à celle de Vitot. Nous nous réservons d’en parler plus tard.

 

Signé Adam

Extrait du livre « Vitot », écrit par Jean Delieuvin, avec l'aimable autorisation de l'auteur et édité par M. Derien.
  

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